Une rencontre touchante (PV Anakin)

Il était rare qu’Anakin ait l’occasion de venir s’aventurer du côté des hangars d’Hapès. Et par rare, il fallait entendre très rare. Il était alors un jeune garçon, encore insouciant et naïf, mais il savait que son destin l’appelait ailleurs que sur cette planète. Oh il avait déjà réussi à esquiver les surveillances continues des soldats qui veillaient à sa sécurité, notamment quand il s’était rendu à ce bar illégal où il avait rencontré ce mandalorien, Beowulf. Depuis qu’il était rentré, il ne désirait qu’une chose : partir lui aussi à l’aventure de l’espace, à bord de son vaisseau, parcourir les étoiles ! Cette vie que le chasseur de prime menait, cela nourrissait tous ses rêves, et il se prenait parfois à jouer, incarner un pirate de l’espace, le genre de héros solitaire qui sauvait les gens du Premier Ordre, mais que la Résistance n’approuvait pas. Un gardien, un chevalier noir.

Alors comment aurait-il pu résister en voyant ce vaisseau seul, dans le hangar ? Un X-Wing magnifique, avec ses éraflures de combat, ses peintures de guerre ! Sitôt qu’il ait échappé à la surveillance du soldat, le garçon s’était faufilé à l’intérieur du vaisseau ouvert, posant ses mains sur les manettes, les bougeant lentement... Il n’était pas assez maladroit pour l’allumer sans faire attention, il s’y connaissait plutôt bien en machines. Combien de fois avait-il démonté et remonté ses jouets, juste pour voir comment ils fonctionnaient ? Il paraissait que cela lui venait de son grand-père... Un nouveau point commun avec le tristement célèbre Vador.

Il jouait. Et pour être honnête, il se voyait bien dans ce siège, accomplir des missions et partir. Ah, si seulement.

Cette voix qui sortait de nulle part l’ôta immédiatement de ses pensées, le faisant réellement sursauter, à tel point qu’un petit cri s’échappa de sa gorge avant qu’il ne s’enfonça sur le siège, se cachant le plus possible.

C’était idiot : cette femme avait bien remarqué qu’il y avait quelqu’un. Inutile de se cacher maintenant... Anakin se gifla intérieurement.

« N-Ne tirez pas ! » bégaya-t-il, levant lentement ses deux petites mains d’enfant.

Il se risqua alors de passez le nez à travers la vitre, la femme, la propriétaire, avait levé son blaster vers lui, et elle semblait... diablement sérieuse ! Prête à tirer ! Anakin eut un frisson d’effroi.

« Ne tirez pas, s’il vous plaît ! J-Je... Je ne voulais pas, j’ai juste... »

Il n’osa même pas bouger, ni parler. Ah, il avait fait une bêtise...

Pendant un très long moment, Anakin resta silencieux en la regardant. Cette femme avait l’uniforme des pilotes, cet orange délavé, et la carrure également… cependant, elle semblait aussi très… douce ? À peine avait-elle remarqué qu’il s’agissait d’un garçon, toute méfiance, toute dureté s’était envolé. Anakin n’avait qu’une petite dizaine d’années, mais ce n’était pas pour cela qu’il ne comprenait pas ce que signifiait ce soulagement. Il était trop jeune pour lui faire du tort, voire même pour avoir mal agi intentionnellement. Enfin… tout était relatif bien sûr, parce que c’était pleinement consciemment qu’il avait défié le règlement pour venir s’aventurer par ici, et il savait ce qu’il faisait en entrant dans ce vaisseau ! Il avait beau être jeune, il n’était pas stupide.

« Diana… enchanté. » fit rapidement Anakin en inclinant la tête, cherchant toujours dans son regard si elle comptait le sermonner ou non.

Manifestement, ça ne semblait pas être son genre de pédagogie. En un sens, avec le ton qu’elle prenait, cela rappela au garçon une présence familière. Celle de Winter, qui l’avait gardé et protégé, depuis plus longtemps qu’il ne pourrait s’en souvenir. Elle n’avait peut-être été qu’une nourrice, mais pour le benjamin solo, elle avait été bien plus importante que ça. Une figure maternelle, à défaut d’avoir sa vraie mère.

« Je… je m’appelle Anakin. » avoua-t-il finalement, d’une voix plus basse.

Évidemment que cette femme ferait le lien avec Leia : aucun résistant n’ignore les noms des enfants de sa propre générale.

« S’il vous plaît, ne dites rien à Mère ! Je ne peux jamais sortir, et… »

Il s’interrompit, visiblement nerveux. Son regard balaya le hangar, les murs, le plafond… C’était stupide, mais il avait besoin de se justifier, prouver que ce n’était pas simplement un caprice de gamin de dix ans ! Être dans un vaisseau, s’imaginer décoller, partir à la conquête de l’espace… c’était ce qu’avait fait son père, et aussi son oncle, son grand-père. Mais tel que les choses allaient, il resterait enfermé ici, sur cette base de la Résistance, où il serait surprotégé en permanence à cause des multitudes d’enlèvements dont il a été victime avant.

« Ce modèle de vaisseau, c’est de la série 90A, non ? La plupart des vaisseaux du hangar se ressemblent. »

Sa main se cala sur le manche d’accélération, comme s’il pouvait entendre les moteurs gronder… bien qu’il était à l’arrêt et n’avait eu aucune intention de faire décoller l’engin. Il connaissait deux ou trois choses aux vaisseaux, assez pour savoir ce qui l’allumerait ou non. Jamais Anakin Solo n’avait été malhabile avec les engins. Jamais !

À vrai dire, Anakin s’attendait à ce genre de réaction. Ce n’était pas comme si sa mère affirmait haut et fort que son fils se trouvait sur Hapès avec elle. Ils avaient soufferts d’assez de tentatives d’enlèvement pour être prudents à présent. Bien qu’il avait été trop jeune pour s’en souvenir, il revoyait toujours sa mère se disputer contre des gardes qui prenaient la sécurité du garçon à la légère, ou qui le laissaient filer inconsciemment… comme cette fois-ci, finalement. Celui qui faisait son tour de garde quand le garçon réussit à se faufiler au hangar allait se prendre une sacrée rouste !

Anakin fut rassuré de savoir que Leia n’en saura rien, cependant il ne pouvait pas s’empêcher de faire une légère moue aux mots de la pilote.

« Je ne suis pas sûr que ce soit ça qui préoccupe Mère. » Bien qu’il aurait envie d’y croire. Le fait était qu’il était recherché par beaucoup de gens, des fanatiques qui voyaient dans son nom un retour prophétique du tyran Vador, des impériaux en manque de gloire passée, des chasseurs de primes intéressés par le prix que valent les Jedi, ou encore son propre frère qui avait rallié les forces obscurs. La liste était assez longue. « À mon âge, Père avait déjà traversé trois constellations. » Sans parler de son grand-père, mais il n’avait pas réellement envie d’évoquer son homonyme.

Que la discussion revienne sur les vaisseaux l’enchantait. À défaut d’être déjà parti, le garçon avait déjà pris soin d’apprendre un tas de choses sur les chasseurs entreposés ici. Et rares étaient ceux qui prenaient le temps de lui en parler. Celui-là était donc un X-Wing T-70… Il n’en avait jamais vu avant aujourd’hui ! D’ailleurs, il ne connaissait pas cette série.

« C’est vrai, vous feriez ça ? » s’exclama-t-il d’un coup en relevant son regard brillant vers Diana.

Il ne prit même pas la peine de camoufler son sourire pour lui montrer qu’il était un garçon avec de la tenue, rien que l’idée de cette proposition le rendait tout excité. Ah, sa mère s’en rendrait folle si elle avait entendu cette conversation, et à vrai dire, ça ne faisait que rendre l’idée encore plus alléchante ! Anakin voyait alors en Diana sa nouvelle meilleure amie, en deux secondes elle venait de lui proposer ce qui lui ferait le plus plaisir.

Son regard fut soudainement attiré vers un garde qui venait d’entrer dans le hangar, balayant la grande salle des yeux. Comme un réflexe, Anakin vint se cacher sous le cockpit, afin de ne pas être vu à travers la vitre du vaisseau. Son réflexe semblait être suffisamment rapide, le garde ne savait pas trop où chercher, et demanda à un technicien à côté s’il n’avait pas vu un garçon de dix ans se balader par ici. Le technicien haussa les épaules, lui n’avait rien vu, il venait d’arriver.

« Vermeil ? » appela ce dernier en se tournant vers la jeune femme. Elle était sûrement en train de s’occuper de son vaisseau, généralement les pilotes aimaient s’occuper eux-mêmes de l’entretien de leur chasseur. « Un garçon brun, un mètre trente-cinq, ça te dit quelque chose ? Apparemment il s’est encore échappé. »

Anakin la fixait du regard, lui intimant d’un doigt sur sa propre bouche de ne rien dire, comme s’il n’était pas là, qu’elle ne l’avait jamais vue. Si jamais ils la trouvaient ici, il pourrait tirer un trait sur cette promesse d’aller voir l’espace, et ça… ça il n’était vraiment pas prêt à renoncer à ça !

Anakin répondit à la jeune femme avec un léger sourire, un petit peu vague malgré tout. Qui pourrait se vanter de savoir qui était réellement Han Solo ? Même lui, son propre fils, il n’en connaissait que trop peu. Il fallait dire qu’Han était le genre d’homme qui venait et partait, au rythme des vents et des marées, sans attache. Peut-être qu’il avait effectivement les voyages sans le sang, et peut-être que ça lui était venu un jour, sans crier gare. Malgré son lignage, c’était désolant de se rendre compte qu’il en connaissait si peu sur sa famille, sur lui-même.

Il devait avouer qu’il avait pris peur en voyant le technicien, et pendant un instant, il avait même cru que cette femme le dénoncerait. Après tout, c’était son rôle d’adulte, non ? Dénoncer les petits fouineurs. Ça pouvait être dangereux, ils pouvaient se blesser, c’était pour leur bien… Mais non, elle envoya bouler cet homme. Et avec, il devait l’avouer, une sacrée grâce. Il se releva lentement en entendant qu’il était parti, son regard remonta vers sa sauveuse…

« Vous… n’allez vraiment rien dire ? »

Mais Leia était sa supérieure, pourtant ! Si elle savait… Anakin avala nerveusement sa salive en pensant aux conséquences. Malgré tout, ça lui faisait plaisir… Rares étaient les adultes qui prenaient sa défense, surtout quand ça allait à l’encontre de sa sécurité. Un sourire reconnaissant et excité se dessinait sur ses fines lèvres, tandis que les étoiles dans ses yeux revinrent. Défier l’autorité, rester dans un vaisseau qui avait déjà connu des tas de voyages, ça avait quelque chose… de stimulant ! Aux mots de Diana, il se leva immédiatement de son siège et vint prendre place derrière elle, comme il pouvait… Il n’y avait pas beaucoup de place dans ce vaisseau. Évidemment, il n’était pas prévu pour les voyageurs clandestins ! Des yeux, il suivait le moindre geste de la pilote, le moindre bouton pressé, avec la plus grande attention.

« On va décoller ? Pour de vrai ? Oh j’ai toujours voulu voir de quoi Hapès avait l’air, du ciel ! »

Peut-être qu’il n’existait pas de limites, peut-être même pourrait-elle faire une balade dans les étoiles et revenir, après tout elle était une pilote de la Résistance ! Voler, c’était presque l’intégrité de sa vie, non ? Tandis que tout en lui le poussait à vouloir essayer tous les boutons, il se retint, agrippant le siège pour être sûr de ne pas être emporté par la vitesse.

« Oh oui je suis prêt ! »

La remarque de Diana le gela sur place : elle n’allait pas oser ! Si… ? Le regard paniqué qu’il lui adressa parlait largement pour lui pendant le bref instant où il crut qu’elle était sérieuse. Il lui semblait même que son cœur avait arrêté de battre en imaginant déjà le visage de sa mère en apprenant que son fils vagabondait dans des vaisseaux de la Résistance. Et même après avoir appris que ce n’était qu’une plaisanterie d’adulte, il lui fallut un temps pour se remettre de sa soudaine frayeur.

Bon d’un côté, il se sentait aussi un peu vexé de s’être ainsi fait avoir par une adulte. Elle devait être si fière de son coup, et il ne lui suffit que de voir son sourire et entendre son rire pour en être persuadé ! Pourquoi les adultes aimaient-ils toujours faire tourner en bourrique les plus jeunes ? Parce qu’ils sont naïfs ? … Oui, certainement. Ça devait expliquer beaucoup de choses.

Malgré tout, Anakin ne pouvait pas s’empêcher de laisser un petit sourire sur ses lèvres. Certes il s’était fait avoir par une plaisanterie, mais il allait réellement décoller ! Comme un garçon sage – en dépit de ses bêtises – il s’installa où Diana le souhaitait, passant la sangle de sécurité devant lui avant qu’elle ne lui mette son casque sur la tête. Certes, il était un peu grand, Anakin dû resserrer l’attache mais déjà, il avait l’impression d’être un vrai pilote ! Exactement comme ceux qui décollaient d’ici et qui allaient se battre contre l’oppression ! Oh il était déjà surexcité, et ce n’était rien comparé à cette pression qu’il ressentait au moment où Diana alluma les moteurs. Plaqué contre son siège, les vrombissements des propulseurs derrières lui, le garçon retint presque son souffle quand le vaisseau quitta enfin le sol.

Oh il ne fallait pas lui dire deux fois de profiter : il posa sa main sur la vitre renforcée du cockpit pour s’approcher au maximum, et voir la base d’Hapès devenir de plus en plus petite. Et ce paysage ! C’était tout simplement fantastique.

« Le hangar est si petit ! » Il ne pouvait pas s’empêcher de s’émerveiller comme s’il était un tout petit garçon devant quelque chose de brillant. Depuis le temps qu’il rêvait du moment où il s’envolerait ! Et personne jusque-là n’avait pris sur lui pour l’emmener dans les airs. Il était le fils de Leia : le moindre risque pouvait amener sur une catastrophe. Mais Diana n’était pas comme ceux-là. Elle, elle n’avait pas hésité !

Elle capta encore une fois son intérêt avec sa dernière phrase, et Anakin reposa sur elle son regard brillant d’étoiles.

« C’est vrai, vous me laisseriez essayer ? » Ce n’était même plus une question, ou du moins, il ne s’attendait aucunement à une réponse négative. Ses jeunes yeux se posaient alors sur le tableau de bord, et l’aisance avec laquelle la pilote connaissait la moindre touche, la moindre manette à actionner à chacun des moments. Un homme et sa machine ne faisaient qu’un, et là, le garçon en avait la preuve sous les yeux.

« Vous savez faire des figures ? Des tonneaux ? Vous avez appris comment ? Il y a une école pour les pilotes ? Est-ce que c’est vrai que vous ressentez tout ce qui se passe dans le vaisseau ? »

Les questions fusaient et ne s’arrêtaient plus. Anakin avait complètement dépassé la barrière de la timidité et de sa naturelle crainte du monde adulte et c’était maintenant une montagne d’interrogations qui s’abattit sur la jeune femme. La tête du jeune Solo continuait énormément de fourmiller, mais malheureusement pour lui, articuler des mots lui prenait plus de temps que de les formuler à toute allure dans son esprit.